LA NATURE EN VILLE AVEC TOBIAS – HAMBOURG

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PEUX-TU TE PRÉSENTER ?

Je m’appelle Tobias, je suis designer et également membre du projet Hilldegarden dont je suis le co-président depuis 2014.

 

COMMENT RÉSUMERAIS-TU HILLDEGARDEN ?

Hilldegarden est un projet ouvert à tous et dont l’ambition est de réintroduire la Nature en ville. Nous voulons créer une terrasse-jardin au-dessus d’un ancien bunker à St.Pauli, un quartier de Hambourg.

 

COMMENT CETTE IDÉE VOUS EST-ELLE VENUE À L’ESPRIT ?

En fait, l’idée nous est venue à l’apéro ! Un des fondateurs vivait en face du bunker. Un soir,  il le regarda de sa terrasse et imagina avec ses amis un jardin public sur son toit. Les jours suivants, il contacta des collègues  – architectes, designers, ingénieurs – et commença à travailler sur son idée. Ils développèrent un premier projet et le présentèrent aux autorités – l’administration, le conseil municipal, la sécurité et le service « Patrimoine » de la ville. Ce bâtiment est classé monument historique, tu ne peux donc pas faire tout ce que tu veux.

« En fait, l’idée nous est venue à l’apéro ! Un des fondateurs vivait en face du bunker. Un soir,  il le regarda de sa terrasse et imagina avec ses amis un jardin public sur son toit. »

 

QUELLE EST L’HISTOIRE DE CE LIEU ?

Ce bunker a été construit en 1942 pendant la Seconde Guerre mondiale pour défaire les attaques alliées. Il est devenu un lieu résidentiel à la fin du conflit car toute cette zone était détruite, sauf lui. Il a également accueilli un théâtre, un des premiers studios de TV d’Allemagne ainsi que plusieurs autres activités culturelles dans les années 1950.

Pendant la Guerre Froide, le bâtiment était la propriété de la République d’Allemagne, puis a été donné à la ville d’Hambourg. À ce moment, le bunker était dans un piteux état : les peintures étaient défraîchies et le toit fuitait. Avec une estimation des travaux à plus de 27 millions de Deutsche Marks, la municipalité n’avait ni les moyens de le restaurer ni de le démolir.

C’est à la suite d’un partenariat avec la mairie qu’un entrepreneur, le Dr. Thomas Matzen, devint le seul gérant du bunker en 1993. L’idée était simple : Matzen peut proposer le bunker à la location pendant 60 ans s’il prend en charge la rénovation et la gestion du lieu. Et c’est ce qu’il a fait ! Aujourd’hui, le bâtiment est complètement loué par des entreprises, des institutions et des artistes.

 

Projet Hilldegarden. Crédit photo : Thomas Tichadou et Planungsbüro Bunker

 

ÉTAIT-IL FACILE DE MOBILISER LA POPULATION ET DES PARTENAIRES AU LANCEMENT DE VOTRE PROJET ?

Le faire connaître et intéresser le voisinage étaient faciles en tout cas. Le plus dur était de leur donner envie de contribuer. C’est pourquoi nous avons organisé des ateliers de discussion et nous leur avons dit : « maintenant, c’est à vous d’agir ! ». Nous avons noté les idées des participants sur une carte mentale et nous avons sur cette base créé des groupes de travail.

 

COMMENT ASSOCIEZ-VOUS LE VOISINAGE DANS LA CONCEPTION DE HILLDEGARDEN ?

Nous sommes aujourd’hui 50 personnes à s’être engagées, dont 20 très actifs. La consultation terminée, nous avons formé 5 groupes de travail correspondant aux principaux intérêts des citoyens :

  • Gouvernance : les participants définissent notre future organisation et quelle structure légale choisir ;
  • Espaces extérieurs : ils imaginent comment sensibiliser les enfants au jardinage et comment créer des connections entre les jeunes et les anciennes générations ;
  • Espaces intérieurs : ils réfléchissent aux projets à accueillir dans les 500 m² à construire. Nous avions déjà pensé à une cuisine commune, une galerie d’art ou des activités à impact social comme des cours du soir ;
  • Mémoire : nous créons une exposition dédiée à l’histoire du bunker ;
  • Économie circulaire : nous souhaitons réutiliser l’énergie solaire mais aussi celle du bunker lui-même pour être indépendant. Par exemple, nous voudrions récupérer l’eau de la douche, la nettoyer ici puis la réutiliser pour les toilettes et les éviers. Nous avons aussi ce projet d’aquaponie et de compost dont nous sommes très fiers !

 

CE PROJET, EST-IL RÉSERVÉ AUX SEULS HABITANTS DE ST.PAULI ?

Bien sûr que non ! C’est pour cela que nous avons un comité consultatif composé de l’église du quartier, d’associations d’intérêt général, d’experts en urbanisme et en espaces verts, du président de la Fondation du Musée de la ville d’Hambourg ainsi que plusieurs élus politiques.

Pour l’instant, les collectivités territoriales ne nous financent pas. Mais le Parlement de Hambourg a validé notre projet en Juillet [2017]. C’est de bonne augure pour la suite et cela convaincra sûrement d’autres partenaires de nous aider.

 

QUELS ONT ÉTÉ LES PREMIERS PROBLÈMES QUE VOUS AVEZ RENCONTRÉ ?

Après la première version du projet, la question financière s’est vite posée. Nous avons rencontré le Dr. Matzen qui a accepté de nous financer si nous prouvions la rentabilité de ce lieu. Nous avons alors réfléchi à un modèle économique pérenne. C’est à ce moment que nous avons imaginé la création d’une terrasse et d’espaces à louer afin de financer nos activités et l’entretien du jardin public. Je pense qu’Hilldegarden pourra s’autofinancer par la suite, comme la High Line à New-York [ancien chemin de fer traversant Manhattan réaménagé en jardin suspendu] qui s’est financée uniquement par dons privés ! Nous devons quand même nous entourer de partenaires, mais je reste très confiant.

 

COMMENT LE PROJET POURRAIT SE RETROUVER FRAGILISÉ, VOIRE S’ARRÊTER ?

La principale difficulté, c’est de mobiliser une communauté autour d’un projet qui sortira de terre dans 2 ou 3 ans. Cet engagement est un vrai marathon. Les riverains aiment l’idée d’un jardin public dans leur quartier, mais aujourd’hui il n’y a rien, ils ne peuvent même pas accéder au toit du bunker. Nous ne devons pas interrompre le dialogue avec eux, c’est le plus important. C’est pour cela que nous avons lancé les premiers tests de notre système d’aquaponie, c’est concret.

Plusieurs voisins nous ont confié leur peur de voir leur quartier se gentrifier une fois les travaux terminés. St.Pauli est un quartier populaire et l’ancien quartier rouge où les marins venaient après avoir accosté à Hambourg. La municipalité joue avec le côté folklorique du coin pour développer des projets touristiques. Les personnes vivant ici depuis des années ne veulent pas voir le quartier se transformer en nouveau lieu branché…Mais pour nous, Hilldegarden peut être beaucoup plus que cela puisque c’est un projet co-construit avec des citoyens qui cherchent vivre en symbiose.

« Plusieurs voisins nous ont confié leur peur de voir leur quartier se gentrifier une fois les travaux terminés […] Mais pour nous, Hilldegarden peut être beaucoup plus que cela puisque c’est un projet co-construit avec des citoyens qui cherchent vivre en symbiose. »

 

POURQUOI T’ES-TU ENGAGÉ DANS CE PROJET ?

Je suis fasciné par la Nature, la contempler est pour moi la plus belle expérience qu’il nous est donné de vivre. J’ai grandi dans un petit village et je me suis installé à Hambourg il y a 15 ans. J’adore cette ville, mais je suis assez frustré de voir aussi peu d’espaces verts. En ville, le seul paysage que tu peux espérer contempler, c’est une vue sur la prochaine maison, c’est assez limité…C’est pour cela que je me suis intéressé à Hilldegarden : un toit-terrasse avec une vue imprenable sur la ville et un jardin ouvert au public, quelle idée géniale !

 

OÙ TROUVES-TU TA MOTIVATION ?

Je veux faire partie de ceux agissant pour introduire la Nature en ville. Il est question de créer, construire et développer la Ville par ses propres moyens. Et ce processus me fascine !

 

SI TU DEVAIS DÉFINIR TON ENGAGEMENT EN UN MOT, ADJECTIF OU SENTIMENT…

Je dirais « découvrir », « curiosité » ou « passion ». C’est difficile de choisir un seul mot, je m’intéresse à tout ! J’aime comprendre comment les choses fonctionnent.

« Je suis fasciné par la Nature, la contempler est pour moi la plus belle expérience qu’il nous est donné de vivre […] Je veux faire partie de ceux agissant pour introduire la Nature en ville. Il est question de créer, construire et développer la Ville par ses propres moyens. Et ce processus me fascine ! »

 

crédit photo : Hilldegarden

4 Commentaires

  1. Tobias, merci beaucoup pour votre rapport sur le jardin prévu sur le bunker.
    Aujourd’hui, on entend beaucoup parler de la mise en œuvre réelle du projet et, comme souvent avec de si belles idées, la réalité les rattrape.
    Ce qui reste aujourd’hui, c’est la construction d’un hôtel de 5 étages avec une salle de concert sur le toit.
    En ce qui concerne la conception de la vue extérieure, il y a déjà divers changements, de sorte qu’il ne restera rien du projet intéressant, sauf la réalisation que l’initiative a été utilisée par un investisseur à ses besoins.

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